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Photo du rédacteurMyriam Cau

Le nouvel horizon de la sobriété foncière...

Dernière mise à jour : 27 mai 2022


Un grand sujet d’actualité agite les réseaux professionnels comme les collectivités territoriales : la sobriété foncière et son corollaire « le ZAN », ou Zéro Artificialisation Net, une terme peu urbain et qui n’est pas ce petit morceau de réglisse noir que certains ont connu. Il s’agit à l’horizon de 2050 de réduire à zéro l’artificialisation nette (solde entre l’artificialisation nouvelle et la renaturation des sols).


Il flotte comme un air de mobilisation : l’État qui, il faut le reconnaître, affiche là une réelle ambition, les professionnels qui réfléchissent sur les objectifs, les outils, les méthodes, et puis les territoires, via leurs élus et leurs SCOT qui sont « bien ennuyés ». La Loi 3DS du 21 février 2022 prévoit l’intégration dans les documents d’urbanisme des objectifs de diminution de la consommation de d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF). Une Loi qui n’a pas hésité à affronter d’emblée la difficulté en demandant aux territoires à travers des « conférences des SCOT » de réfléchir entre-eux aux répartitions territoriales des objectifs de réduction de la consommation foncière.


Il ne faut pas être grand clerc pour deviner la difficulté de l’exercice, la concurrence entre intérêts territoriaux, la peur de ceux qui par le passé ont su être frugal de se voir privé d’opportunités futures, la crainte des territoires ruraux ou intermédiaires en recherche de revitalisation, mais aussi celle des métropoles en tension qui examinent comment faire face dans le tissu existant, où chaque friche redevient un trésor. La question du mode de prise en compte des grands projets hors répartition de la territorialisation est aussi en question. Il reviendra à la Région de regarder ce sujet difficile en fixant un contingent régional, non territorialisé mais quand même soustrait des possibilités globales de consommation foncières. Bref cette 1ère étape, qui demande de réduire de 50% la consommation d’espace par rapport aux 10 dernières années, s’annonce ardue. D’ailleurs, l’Association des Maires de France a largement fait part de ses inquiétudes lors de sa rencontre du 23 mai[1].


Comment se prépare la Région Hauts-de-France à aborder ce sujet ? On dit le Président de Région Xavier Bertrand fort critique « nous sommes en train de mettre notre pays sous cloche » (8 février 2022). Il va pourtant falloir faire des choix, ne pas choisir c’est subir...


Rappelons que notre belle région a cet atout irremplaçable de bénéficier de belles terres fertiles, et jusque dans la métropole européenne de Lille (1ère métropole agricole de France), elle est aussi la 4ème région la plus peuplée de France : c’est dire les enjeux climatiques, sociaux et économique de l’approvisionnement local. Peut-on encore longtemps laisser les terres agricoles servir de variable d’ajustement urbain ? ce que nous avons connu, relève clairement de l’étalement urbain : la consommation de terres agricoles ou naturelles progresse de façon plus rapide que la croissance démographique, c’est une «croissance inefficace de la ville » comme en parle l’urbaniste Sylvain Grisot[2].



Disons-le : ce gaspillage foncier coûte et n’est pas sans autres conséquences néfastes : l’allongement des distances et des temps de déplacements, la dévitalisation des centres villes, des émissions de CO2 accrues et une moindre capacité de stockage carbone, la fragmentation des territoires et la fragilisation de la biodiversité, une plus grande difficulté à équiper équitablement le territoire faute de seuils de population suffisants... On le voit bien les objectifs sont louables, faut-il en toute conscience des difficultés, reculer devant l’obstacle ?


Non, car il existe des solutions, des stratégies et des arbitrages utiles possibles.


Des stratégies foncières

Il ne s’agit pas de se doter d’objectif de sobriété foncière "par obligation" mais bien au contraire de penser une stratégie foncière du territoire dans tous ses aspects, un travail rarement fait à chaque échelle de territoire, qui laisse parfois des élus démunis se fonder sur des « opportunités » que leurs proposent des apporteurs d’affaire intéressés.

Or dans les stratégies foncières, on va aussi intégrer de multiples grands enjeux : la régulation des pressions foncières, la résorption de la vacance, la revitalisation des bâtiments existants et la réactivation des friches, l’anticipation des conséquences du dérèglement climatique sur les littoraux, zones inondables, de retrait-gonflement des argiles et de façon plus stratégique concentrer ses efforts sur l’existants, y compris les bourgs et centres-villes, les quartiers un peu délaissés, les lotissements vieillissants et des zones commerciales et économiques désuètes. La 1ère étape consiste en la connaissance du gisement foncier dans toutes ses caractéristiques. Cela vaut le coup de réactiver les « inventaires territoriaux de friches » comme le LIFTI[3] le préconise... Pour certains territoires implanter de nouvelles activités trouvera des marges de manœuvre importantes et qui plus est « vertueuses » en s’inscrivant dans le renouvellement urbain et l’économie circulaire du foncier. Un paradigme de l’aménagement du territoire peut être repensé : il s’agit de travailler à des territoires multifonctionnels, plus compacts, pour desservir des bassins d’habitat et d’activité Cet enjeu est réactivé par des questionnements nouveaux sur la relocalisation des activités, ou les possibilités de travail à distance.


La densité heureuse n’est pas un leurre

La densité fait peur aux habitants car elle a souffert de décisions imposées aux populations par les règles du marché, et parce que la fabrication de la ville a souvent ignoré les enjeux de qualité d’usage, paysagère, constructive que les populations attendent. Mais à l’inverse, il existe des exemples pensés, avec soin et respect, qui dans les villages, les bourgs ou les villes montrent comment on peut habiter la ville densément sans ennui, avec épanouissement, avec tranquillité et avec sociabilité. La crise CoVid a révélé la tragique dégradation depuis les années 70 des conditions d’habitat sur certains critères : surface des logements, possibilité d’aération et fonctionnalités multi-usage, environnement extérieur proche à disposition... Un rapport sur la qualité du logement[4] a été remis en 2021 à la Ministre Emmanuelle Wargon par François Leclerc (Architecte, concepteur entre autres du Bois Habité sur Lille) et Laurent Girometti (Directeur général de l’EpaMarne). Il pose les bases d’un référentiel intéressant sur les caractéristiques du logement, même si on peut regrettet que les conditions d’urbanité essentielles pour réussir ne sont pas abordées. La densité heureuse n'est pas un leurre, mais peut-on décemment demander aux populations d’accepter ce qui se fait sans eux, ils méritent la coproduction. Ce sujet de la densité sera d’ailleurs le sujet d’une table-ronde[5] organisée par Urbanistes des Hauts de France à la « Braderie de l’Architecture et de la Ville » le 11 juin 2022 à Lille.


La revitalisation foncière ménage le territoire, sa population et l’identité locale...

La régénération foncière prend aujourd’hui le visage de nombreuses petites opérations qui peuvent utiliser des dents creuses, recycler des bâtiments abandonnés (ancien bâtiment rural ancien café, ancienne poste ...) parfois très bien placés et à valeur patrimoniale. Elle permet aussi de valoriser des biens fonciers de petits propriétaires à travers des densification sur la parcelle (le BIMBY « Buil in my back Yard »). Certains territoires ont entrepris de satisfaire leur évaluation des besoins en logements futurs uniquement à travers ce type d’opération. Les tiers-lieux ne sont pas l’apanage des quartiers urbains, dans toute la France de très beaux projets ont contribué à la revitalisation de petites villes ou de villages en s’implantant dans des bâtiments délaissés.



Mais tout en ayant plaisir à tracer ces pistes, il est important de dire que le travail est déjà bien préparé... et ce, par la Région Hauts-de-France, malgré les craintes de son Président.


En effet, d’une part le SRADDET actuel, a identifié des pôles de service et a hiérarchisé un réseau de villes qui naturellement doit conduire à éclairer les choix en termes de 1ère phase du ZAN... D’autre part, l’agence Hauts-de-France 2040 (une direction de la Région) a travaillé avec le Réseau Urba8 des agences d’urbanisme du territoire Hauts-de-France pour présenter un guide méthodologique sur les stratégies foncières pour une gestion économe de l’espace. Une urgence : le mettre dans les mains de tous les élus...


De son côté le CESER Hauts-de-France s’est autosaisi du sujet, sous la direction de Jean-Yves Cannesson qui préside la commission aménagement du Territoire, et doit produire un avis sur la sobriété foncière à l’automne.


La sobriété foncière et le Zan, on en parle en continu dans les sphères professionnelles et on en reparlera... Souhaitons quand-même que cet objectif ambitieux ne finisse pas totalement déshabillé de son ambition face aux craintes et pressions qui remontent des territoires...



[1] https://www.maire-info.com/amenagement/zan-les-elus-souhaitent-davantage-s'impliquer-dans-les-conferences-des-scot-et-%C3%AAtre-mieux-accompagnes-par-l'%C3%89tat-article-26460 [2] Manifeste pour un urbanisme circulaire, pour des alternatives concrètes à l’étalement de la ville. Éditions Apogée- 2020 [3] LIFTI Laboratoire des Innovations Foncières et Territoriales Innovantes [4]


https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Rapport%20Mission%20Logement%20210904.pdf [5] Table ronde « la densité, autrement ... » détail sur notre site www.urbanisteshdf.org

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